top of page

Conte à la une

kids-under-construction-clipart-1050_450
La malédiction de la femme phoque

Auteur :

Gilabert C.

Temps de lecture estimé :
12 minutes

Proposé par :

Christian Gilabert

16 juin 2023
Le :

Aux îles Féroé - La malédiction de la femme-phoque.


Par Christian Gilabert

Une vieille légende des îles Féroé disait que les phoques étaient d’anciens êtres humains qui avaient choisi de retourner vivre dans l'océan. Mais on disait qu'une fois par an, la treizième nuit de l'année, ils revenaient sur la terre ferme dans un endroit secret de la côte, et là ils se débarrassaient de leur peau de phoque et de leur fourrure. Ils étaient alors tout à fait comme des humains, et ils passaient toute la nuit à danser et à s’amuser comme des humains.

Aux îles Féroé tout le monde connaît cette légende. Cela fait des siècles qu'on la raconte dans les veillées, mais de nos jours il n'y a plus guère que les petits enfants qui y croient.

Pourtant, un jeune pêcheur du village de Mikladalur sur l’île de Kalsoy persistait à se demander si cette histoire était vraie. Depuis son enfance il y avait beaucoup réfléchi … Il se disait que ce n'était pas impossible, après tout … Et après de longues recherches il pensait même avoir deviné l'endroit de la côte où les phoques venaient se transformer en humains, le temps d'une nuit.

Alors, le soir du 13 janvier il est allé se cacher dans cette crique très isolée et il a attendu la nuit.
Et là, chose incroyable, il a vu des phoques arriver du large en grand nombre et se hisser en rampant sur la plage. Et puis il les a vus se débarrasser de leurs peaux et les poser soigneusement sur des rochers.
Le jeune homme n'en croyait pas ses yeux … Ainsi, c'était donc vrai !

Les premiers phoques dépouillés de leur peau commençaient déjà à s'amuser et à danser. Une belle jeune fille-phoque est venue poser sa peau sur le rocher derrière lequel il se cachait.
Une fois nue elle était d'apparence parfaitement humaine et il l'a vue rejoindre joyeusement le reste du groupe pour chanter et danser avec les autres.

Le jeune homme était complètement fasciné et sous le charme de cette scène. Pendant que la danse battait son plein et que tous les phoques s'amusaient, une idée folle lui a traversé l'esprit … Il a réussi à prendre la peau de la jeune fille-phoque et à la cacher derrière lui.

Les danses et les jeux ont duré toute la nuit, mais dès que le jour a commencé à montrer ses premières lueurs sous l’horizon, tous les phoques ont récupéré leurs peaux et sont retournés dans l'océan.
Tous, sauf la jeune fille-phoque qui ne retrouvait pas sa peau là où elle l'avait posée.
Complètement paniquée, elle criait et pleurait de manière désespérée.

Alors le jeune homme s'est montré et l'a rassurée. Il l'a couverte avec sa cape et lui a dit que le destin avait voulu qu'elle reste désormais humaine et qu'elle devienne son épouse au village de Mikladalur.
Ce qui fut fait.

Le couple a eu deux beaux enfants, parfaitement humains, mais l’homme était toujours inquiet. En effet il devait toujours être sûr que son épouse ne puisse pas récupérer sa peau de phoque qu’il gardait soigneusement enfermée dans un coffre. Un coffre dont il conservait toujours la clef sur lui, attachée à sa ceinture.

Mais un jour, alors qu’il était à la pêche en mer avec ses compagnons, il s'est rendu compte que la clef n'était plus à sa ceinture. Il a tout de suite compris le drame qui allait arriver …
Il a dit à ses compagnons sur le bateau « Aujourd’hui, je crois bien que je vais perdre ma femme ! ».

Les hommes ont ramé vers le village aussi vite qu’ils ont pu, mais lorsque le jeune homme est arrivé à sa maison, sa femme n'était plus là.
Elle avait récupéré sa peau de phoque dans le coffre et avait couru jusqu'au rivage où elle avait quitté tous ses vêtements, puis elle avait revêtu sa peau de phoque et s'était éloignée rapidement à la nage.

Au large de la crique un grand phoque mâle l'attendait. C'était un phoque qui l’avait aimée dans sa jeunesse et qui l'attendait depuis toutes ces ces années. Ils ont gagné ensemble le large comme s'ils ne s'étaient jamais quittés.

Le jeune homme était éperdu de chagrin. Les enfants que lui avait donné la femme-phoque ont été confiés à une autre famille et il a vécu ensuite dans la tristesse et la solitude.

Et puis un jour, les hommes de Mikladalur ont décidé d'aller avec leur barque chasser les phoques dans une grotte marine où on leur avait dit qu'ils étaient particulièrement nombreux.
La nuit précédant leur départ, la femme-phoque est apparue dans un rêve à son ex-mari terrestre pour lui dire de ne pas tuer le grand phoque qui gardait l'entrée, car c’était son nouveau mari. Elle lui dit aussi de ne pas tuer les deux petits phoques qui étaient au fond de la caverne car ils étaient ses nouveaux enfants.

Mais l'homme a pensé que ce n'était qu'un rêve et il n'en a pas tenu compte. Il est parti à la chasse avec les autres et ils ont tué tous les phoques qu'ils ont pu rencontrer dans cette grotte marine.

Le soir au village de Mikladalur on a fait un repas de fête pour célébrer cette chasse fructueuse. Des morceaux de phoque, des têtes et des nageoires avaient été préparés pour le dîner. Mais au moment où on allait passer à table il y a eu un grand fracas et la femme-phoque est apparue sous la forme d’un être terrifiant, mi-phoque mi-femme, mi chair-mi-fourrure.

Elle a reniflé la nourriture sur la table et a hurlé : « Malheur ! Voici la tête de mon époux bien aimé, et voici les morceaux des jolis corps de mes enfants chéris ! Et bien je vous le dis : à partir de ce jour la vengeance s'abattra sur vous, hommes de Mikladalur, nombreux seront ceux qui mourront en mer et bien d’autres tomberont du haut des falaises ! ».

Après avoir prononcé ces mots, elle a disparu dans un bruit de tempête et on ne l'a plus jamais revue.

Mais depuis, et encore de nos jours, il n'est pas rare que des hommes du village de Mikladalur périssent en mer ou fassent des chûtes mortelles du haut des falaises.

Et cette malédiction n'est pas près de s'arrêter, car la femme-phoque a dit que cela durerait jusqu'à ce que le nombre de morts soit assez grand pour qu'ils puissent joindre leurs mains en faisant tout le tour de l'île de Kalsoy.

Proposé par Christian Gilabert

bottom of page