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Le crâne qui parle

Gougaud H.

Il était une fois un pêcheur nommé Driss. Un matin, comme il allait le long de la plage, son filet sur l'épaule, il rencontra, sur son chemin, un crâne humain. Ce misérable relief d'homme excita son humeur joyeuse. Il se pencha sur lui et dit :
- Crâne, pauvre crâne, qui t'a conduit ici ?
Il n'espérait pas de réponse. Pourtant les mâchoires s'ouvrirent et il entendit :
- La parole.
Driss fit un bond en arrière puis, voyant cette tête de vieux mort aussi immobile qu'un caillou, il pensa avoir été trompé par quelque sournoiserie de la brise.
- Crâne, dis-moi vraiment, risqua-t-il à nouveau, qui t'a conduit ici ?
- La parole. Es-tu sourd ?
L'interpellé avait parlé, le fait était indiscutable. Driss tourna les talons, s'en fut, les bras au ciel, traversa son village. Il entra chez son roi, et tombant à ses pieds :
- Roi, dit-il, sur la plage est un crâne qui parle.
- Un crâne qui parle ? s'écria le roi. Impossible n'est pas humain. Je veux le voir, je veux l'entendre. Mais si tu m'as trompé, canaille, tu me le paieras de ta vie.
- Je ne crains pas ta colère, roi parfait, je n'ai pas menti.
Driss courut à la porte. Le roi décrocha son sabre et s'en fut avec lui. Ils parvinrent bientôt devant le paquet d'algues où était le vieux crâne.
- Parle, dit Driss, penché sur lui. Notre roi est là, il t'écoute.
Aucun son ne sortit de la mâchoire d'os.
- Parle, par pitié, parle. Notre roi a l'oreille fine, dis-lui qui t'a conduit ici.
Le crâne, obstinément, se tut. Le roi, fort agacé, tira son sabre courbe et trancha le cou du pêcheur. Alors, tandis qu'il s'éloignait, le crâne ouvrit enfin ses mâchoires grinçantes et dit à la tête de Driss, sur le sable, à côté de lui :
- Tête, pauvre tête, qui t'a conduit ici ?
La bouche de Driss s'ouvrit, sa langue entre les dents sortit, sa voix répondit :
- La parole. "

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