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Le singe et la tortue

Darwiche J.

Il était une fois un singe. Ce n’était pas n’importe quel singe. Ce singe était le Roi de sa tribu. Et quand on était le Roi, c’était important. Parce que quand on s’installait pour manger, les plus beaux morceaux , les plus beaux fruits on les mettait devant le Roi. Et quand on voulait une compagne, il choisissait le premier et bien sûr il choisissait la plus belle. Et il y avait toujours une jeune guenon pour lui gratter le dos, ou lui chercher les puces.
Bref être le Roi c’était pas mal du tout.
Pour choisir le Roi, une fois tous les cinq ans la tribu se réunissait et choisissait celui qui faisait les plus belles grimaces.
Et le Roi était tranquille ; depuis qu’il était élu, c’était toujours lui qui faisait les plus belles grimaces. Alors singe était heureux.
Mais les années ont passées et le singe a vieilli.
Et voilà qu’un matin alors qu’il allait s’installer sur son trône royal, il trouve un jeune singe à sa place. C’était un défi direct, dans ce cas-là, ce n’était pas les grimaces qui comptaient, mais c’était le plus fort qui deviendrait le Roi. Il fallait se battre pour garder sa place. Le vieux singe a compris, il n’avait aucune chance devant le jeune singe.
Le vieux singe n’était même pas triste, il savait que c’était normal, c’était la vie. D’ailleurs il se rappelait, il se rappelait que quand il était jeune, il était content d’avoir pu détrôner le vieux Roi. Mais la Loi voulait que lorsqu’un Roi était détrôné, il fallait qu’il parte.
Alors le vieux singe a fait ses adieux, il a décidé de partir le plus loin possible, alors il a marché, il a marché, il a marché et à force de marcher, un jour il est arrivé au bord de la mer.
Ce singe là, comme les autres de son espèce, il ne savait pas nager, la mer c’était le plus loin possible pour lui. Le vieux singe a regardé, il y avait un arbre au bord de la mer. Les branches de l’arbre arrivaient au-dessus de l’eau. C’était un figuier.
Le singe a monté dans le figuier, il a mangé un fruit. C’était la première fois qu’il mangeait des figues. Il a trouvé que les figues étaient délicieuses.
Le vieux singe s’est dit :
« C’est extraordinaire, pour un vieux comme moi, j’ai mon arbre, j’ai la mer à regarder, j’ai des figues délicieuses, je reste ici »
Et voilà, du matin au soir, le vieux singe cueillait une figue, il la mangeait il jetait la queue dans la mer. Il cueillait une figue, il la mangeait il jetait la queue dans la mer. Il cueillait une figue, elle n’est pas mure, il jetait la figue dans la mer et ça faisait des ronds dans l’eau.
Tout ça c’était très bien, si ce n’est que le singe n’était pas un singe ordinaire. Il avait été Roi, il y avait toujours beaucoup de monde autour de lui. Et là il était tout seul. Alors il commençait à s’ennuyer.
Mais dans cette mer, il y avait des tortues. Il y avait surtout un couple de tortue qui étaient très amoureux l’un de l’autre. Monsieur tortue était beaucoup plus vieux que sa femme.
Monsieur tortue était tellement amoureux de sa femme qu’il avait l’habitude le matin d’aller faire une petite promenade, il revenait avant midi. Et là, il restait à la maison avec sa femme, tout l’après-midi, toute la soirée et toute la nuit, il regardait sa femme. Il était vraiment amoureux.
Voilà qu’un matin, monsieur tortue faisait sa promenade et il est arrivé au bord de la mer. Et là il a vu quelque chose tomber dans l’eau. Monsieur tortue l’a ramassé et il l’a mangé. C’était une queue de figue, monsieur tortue n’avait jamais mangé de figue. Il a trouvé que c’était bon. Alors il a attendu et d’autres queues de figues sont tombées dans l’eau.
Alors monsieur tortue a sorti la tête de l’eau.
« Merci, Dieu de l’arbre qui me nourrit »
Alors le singe a écarté les branches et il a éclaté de rire, il a regardé monsieur tortue et il lui a dit :
« Mais c’est pas le Dieu de l’arbre qui te nourrit, c’est moi, le singe »
« Merci c’est bon »
« Mais non c’est pas bon, a dit le singe, t’as que les queux et les pas mures et les pourries, attends je vais te faire gouter une figue »
Et il a pris une belle figue bien charnue et l’a jetée à monsieur tortue. Monsieur tortue a trouvé la figue délicieuse. Le singe pris une figue, il l’a mangée et il a jeté la queue. Il a pris une figue, il l’a jetée à monsieur tortue.
Et le singe qui s’ennuyait était heureux parce qu’il avait trouvé quelqu’un avec qui parler. Et ainsi ils n’ont pas vu le temps passer. Monsieur tortue est rentré en retard à la maison.
Sa femme n’a rien dit.
Le lendemain pareil, et c’est ainsi qu’ils devinrent deux bons amis. Et le singe était tellement gentil, il passaient du bon temps ensemble à manger des figues et à bavarder que monsieur tortue rentrait de plus en plus tard la maison. Au début il rentrait en début d’après-midi, puis en fin d’après-midi, puis en soirée puis tard dans la nuit.
Et à la maison, sa femme tortue s’inquiétait, un soir elle lui a dit :
« Tu rentres tard, très très très tard ! Tu ne m’aimes plus ! Tu vas voir une autre femme tortue ! »
Et elle a pleuré tout ce qu’elle pouvait.
Et monsieur tortue lui a dit :
« Mais non, mais c’est pas vrai ! C’est pas ça, je t’aime ! Simplement j’ai rencontré un singe qui est devenu mon ami. Et il me donne des figues à manger et on discute ensemble , il est tellement gentil. »
Elle l’a regardé et elle a dit :
« Et tu m’en as ramené des figues »
« Heu.. J’ai oublié, demain, demain je t’en ramènerais .»
Le lendemain, il avait oublié et le jour suivant, il avait oublié… Alors la madame tortue est devenue très jalouse du singe et elle en a parlé à sa voisine. Sa voisine était une très vielle tortue très respectée pour sa grande expérience.
« Ecoute, depuis que mon mari connait un singe au bord de la mer, il rentre de plus en plus tard à la maison et j’ai bien peur qu’un jour il ne rentre plus du tout. »
La voisine lui a dit :
« Est-ce que ton mari t’aime toujours ? »
Madame tortue lui a dit :
« Ca je n’en sais rien, lui il me dit qu’il m’aime. »
« Alors ce n’est pas grave, voilà ce que tu vas faire :
Ce soir tu ne fais pas à manger, mets des feuilles sèches sous ton matelas et avant que ton mari rentre tu vas te coucher, quand il rentre pleure, gémit, dis-lui que tu es malade. Tu lui dis d’aller me chercher et laisse-moi faire, je vais tout arranger. »
Ce soir-là, monsieur tortue est rentré très tard à la maison. Quand il a poussé la porte il n’a pas vu sa femme, la table n’était pas mise, il n’y avait rien à manger. Quand il est entré dans la chambre, il a vu sa femme sur le lit en train de pleurer, en train de gémir. Et chaque fois que sa femme se retournait, les feuilles sèches sous le matelas craquaient. Lui il croyait que c’étaient les os de sa femme qui craquaient.
Il lui a dit :
« Mais qu’est-ce qui t’arrive ?»
« J’en sais rien, je suis malade appelle moi la voisine »
La voisine est arrivée. Elle a examiné madame tortue puis elle a pris monsieur tortue à part. Elle lui a dit :
« Malheureux, ta femme est très malade, dans deux jours, peut être trois, elle sera morte.»
Monsieur tortue aimait sa femme, il a commencé à pleurer , il a dit à la voisine
« Ecoute, ce n’est pas possible, il doit bien y avoir un remède, il faut qu’il y ait une chance »
La voisine a répondu
« Malheureusement, il n’y a aucune chance, enfin il y a une chance tellement petite que je préfère ne pas en parler. »
« Mais c’est quoi cette chance tellement petite. Parle dis-moi, c’est quoi ? »
« Voilà, ta femme est très malade, pour guérir il faut qu’elle mange le cœur d’un singe. Mais où veux-tu qu’on trouve le cœur d’un singe au milieu de la mer, il n’y en a pas. Alors ta femme va mourir. »
Monsieur tortue connaissait bien un singe, mais c’était son ami, alors il n’a rien dit. Mais tout le reste de la nuit, sa femme pleurait, gémissait se retournait et chaque fois qu’elle se retournait les feuilles sèches sous le matelas craquaient et lui il pensait que s’étaient les os de sa femme qui craquaient.
Monsieur tortue a passé une très mauvaise nuit, il n’a pas dormi. Alors le matin, monsieur tortue a décidé d’aller chercher le cœur du singe, le cœur de son ami. Il a quitté sa maison et il a nagé lentement vers le bord de la mer et il a réfléchi et ça vous le savez, les tortues ça réfléchi très, très lentement.
Quand il est arrivé au bord de la mer il avait une idée.
Il a dit au singe :
« Mon ami, depuis des mois tu me donne des figues à manger et moi j’ai oublié de te remercier.
Au milieu de la mer il y a une île, sur cette île il y a un jardin, un jardin merveilleux avec toutes sortes d’arbres magnifiques qui donnent des fruits délicieux. Si tu viens avec moi tu seras heureux. »
Le singe lui dit.
« Arrête, Pourquoi tu me parles de ça ? Tu sais très bien que j’aime les fruits et tu sais encore mieux que je ne sais pas nager. Pourquoi tu me parles d’une île où je ne peux pas aller ? Alors arrête avec ça. »
La tortue lui dit.
« Toi tu ne sais pas nager, mais moi je sais, descend de ton arbre, monte sur mon dos et moi je t’emmène sur l’île. »
Le singe lui a dit :
« Tu ferais ça pour moi ? »
« Bien sûr , tu es mon ami non ? Descend de ton arbre. »
Le singe aimait les figues, mais ça faisait des mois qu’il ne mangeait que ça, alors il est descendu de son arbre et il est monté sur le dos de la tortue. Et monsieur tortue a commencé à nager, mais quand il est arrivé au milieu de la mer, juste au-dessus de sa maison, monsieur tortue a commencé à plonger.
Le singe lui a dit :
« Arrête, qu’est-ce que tu fais ? Moi je ne sais pas nager, je vais me noyer ! »
Monsieur tortue s’est arrêté et il lui a dit :
« Mon ami, il faut que tu saches la vérité. En vérité il n’y a pas d’île au milieu de la mer. Mais ma femme est très malade et pour guérir il faut qu’elle mange un cœur de singe et toi tu es le seul singe que je connais alors je vais prendre ton cœur pour sauver ma femme »
Le singe a réfléchi et ça vous le savez aussi, les singes ça réfléchi très très vite. Alors le singe a éclaté de rire.
« Pourquoi tu ne m’as pas dit ça avant ? Moi je t’aurais donné mon cœur volontiers. »
« Pourquoi tu ne me le donnes pas maintenant. »
« Mais je croyais que tu le savais à ton âge ! Nous les singes quand on voyage on ne porte jamais notre cœur avec nous, il est trop fragile. »
« Ah bon et qu’est-ce que vous en faites ? »
« Je pensais que tu le savais, nous les singes quand on voyage on laisse notre cœur à la maison. Et moi j’ai fait comme tous mes frères, j’ai laissé mon cœur accroché dans mon figuier. Si tu me l’avais dit, je te l’aurais donné, j’en ai même pas besoin, j’en ai un de rechange. »
« Ah bon, et si je te ramène à ton figuier tu me donneras un de tes cœur ? »
« Bien sûr et en plus tu pourras guérir ta femme, allez fais demi-tour. »
Monsieur tortue était heureux il pouvait guérir sa femme et garder son ami. Il a fait demi-tour, il a nagé jusqu’au bord de la mer, un peu plus vite que d’habitude. Au bord de la mer, le singe a sauté très vite il a monté dans son arbre, dans sa poitrine son cœur battait très fort. Il s’est installé et il a mangé des figues, mais cette fois ci il ne jetais plus rien dans la mer. En bas de l’arbre, monsieur tortue attendait, il attendait, il a attendu longtemps, il a attendu jusqu’au coucher du soleil, et là il a commencé à s’inquiéter pour sa femme.
Il a dit au singe :
« Mon ami, je t’attends ! Où est ton cœur ? »
Le singe lui a dit
« Tu es encore là ? Apprend mon ami, que nous les singes quand on voyage, non seulement on emporte notre cœur avec nous, mais en plus, en plus on n’oublie jamais d’emporter notre tête."
L’histoire dit que le singe est resté dans son arbre à manger des figues.
Monsieur tortue est retourné chez sa femme, elle était guérie, il ne l’a plus jamais quitté.
Cette histoire est terminée.

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