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Les trois diamants

Fdida J.-J.

Il était une foi, deux fois, trois fois...
Un certain khalife, treizième descendant du Prophète, avait nommé pour grand vizir un homme qui était juif. Dès le lendemain, tous les conseiller de sa cour se rassemblait pour venir le trouver et lui dire :
- O khalife des khalifes, si tu veux ramener la paix dans nos cœurs et éprouver la sincérité de celui de notre grand vizir, pose lui une seule question. Demande-lui laquelle des trois religions du Livre, selon lui, est la meilleure : celle des juifs, celle des chrétiens, ou celle des musulmans.
Le khalife a aussitôt compris dans quelle vieille querelle ses conseillers voulaient entraîner le grand vizir. S'il avouait préférer la religion des juifs, eux prétendraient qu'on ne pouvait en ce cas lui accorder la confiance nécessaire au rang de second d'un chef musulman; s'il disait préférer la religion du Prophète, eux l'accuseraient de feindre ou lui demanderait de se convertir sur-le-champ à la véritable foi pour attester ses paroles; et si le grand vizir avait l'idée saugrenue de désigner la religion chrétienne, il perdrait du même coup et son poste et la considération des siens.
Le khalife mesurait l'impasse dans laquelle il allait jeter le grand vizir, mais il ne pouvait se résoudre à laisser gronder tous ses conseillers. Aussi, il a convoqué le grand vizir, lui a expliqué la situation et a ajouté :
- Va , j'ai foi en toi ! Tu es un homme plein de ressources, c'est pourquoi je t'ai choisi ! Réfléchis, et tâche de nous rapporter ici demain matin une réponse claire, droite et subtil à cette question difficile. Sans quoi, hélas, je crains de ne plus pouvoir moi-même répondre e ta sécurité dans ce palais.
Le grand Vizir est rentré chez lui, accablé comme il ne l'avait jamais été. Toute la nuit il a retourné la question... Et le lendemain come prévu, il s'est présenté à la cour u khalife où l'attendait déjà tous les conseillers.
Devant tous, le grand vizir s'est incliné et a dit :
- ô khalife des khalifes, et vous nobles fidèles à la question de savoir quelle est la meilleure des trois religions du Livre, celle des juifs, des chrétiens, ou des musulmans, je ne peux répondre...
A ces paroles, les conseillers se sont fortement réjouis, mais le grand vizir a poursuivi :
- Seulement, si tu le permets, ô commandeur des croyants, j'aimerais te raconter une histoire qui, si elle était inscrite dans le coin inférieur de l'œil, servirait de leçon pour une vie entière à qui désire s'instruire et apprendre.
Et comme le khalife lui faisait signe de continuer, le grand vizir a raconté.
Il était une fois un homme qui possédait un diamant d'une valeur inestimable. Cette pierre lui avait été confiée par son père, qui lui même l'avait reçue de son père,, et ainsi depuis des générations... Or cet homme avait trois fils, et ne savait comment , à son tour, il allait transmettre la pierre. Il ne pouvait la donner à l'un d'entre eux, il aurait désavantagé les deux autres, et ne voulait non plus la couper en trois, elle aurait perdu sa valeur. IL confia donc le diamant à un maître joaillier, qui parvient à tailler deux autres pierres remarquables, et tellement semblable à la première que plus rien désormais ne pouvait les distinguer.
Sur son lit de mort, l'homme donna une pierre à chacun de ses fils. Depuis on dit que les descendants de ces trois frères chérissent comme il se doit l'héritage e leurs pères, mais que certains, hélas n'ont de cesse de prétendre et de soutenir, avec force et rage, et à qui veut l'entendre, que leur pierre est l'unique véritable.
- C'est ainsi ... a conclu le grand vizir. Et je pense au fond du cœur, ô khalife des khalife, qu'il en est de même pour les trois religions du Livre.
Alors, devant la figure allongée de tous ses conseillers, le khalife a souri et a dit :
- Allah mrak ! Dieu est avec toi ! Va en Paix.

Tiré de Contes des sages juifs, chrétiens et musulmans. Jean-Jacques Fdida, Ed. Seuil. page 13
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