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Anton Doumé et sa mule

Daniel Alexandre

Anton Doumé et sa mule.
Transcription de ma façon de raconter cette histoire que j'ai transposée en Corse, et dont je ne me souviens pas de la source exacte. Peut être un Nasrédine ?
C'est une histoire que me réclament toujours les enfants quand je raconte l'été au village de Speluncatu . La voici "dans son jus"
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Un jour alors que Aton Doumé travaillait dans son terrain en plaine de Reginu , il s'est aperçu qu'une branche de son amandier était morte.
Qu'est ce qu'on fait quand une branche est morte ?
On la coupe bien sûr !
Donc le lendemain Doumé a pris une scie et il est monté sur sa mule et il est descendu du village pour aller couper la branche morte de son amandier.
Il monte dans l'arbre, s'installe sur la branche morte et commence la couper.
Vous croyez que c'est une bonne idée ?
Non, bien sûr !
A ce moment là passe sur le chemin un capucin entrain de lire son bréviaire.
Vous savez ce que c'est un capucin ?
C'est un religieux, un moine qui vit dans un monastère. On les appelle comme ça parce que leur costume comporte une capuche qu'ils rabattent sur leurs yeux.
Donc, notre capucin bien que absorbé par la lecture de son bréviaire, voit quand même sur le côté, Anton Doumé, à cheval sur la branche qu'il est en train de couper.
Vous savez, c'est comme quand on regarde son smart phone en marchant dans la rue, on voit quand même les autres passants et on peu les éviter sans même les regarder vraiment !
Donc, notre capucin voit Anton Doumé et lui dit
- "Hé Doumé ! Arrête, la branche va casser et tu vas tomber !"
- "Oh Padre ! Mêle toi de tes affaires !" lui réponds Anton Doumé.
Le Capucin hausse les épaules et poursuit son chemin.
Alors, vous avez deviné ce qui est arrivé ?
Oui, bien sûr ! la branche a fini par casser et Doumé est tombé !
- "Ouille Ouille Ouille !"
- "Mais ce padre est un devin !" s'écrit Doumé ... "il a deviné ce qui allait se passer ! Il peut prédire l'avenir !"
Et voila que notre homme court après le capucin et il a vite fait de rattraper.
- "Oh Padre ! Vous aviez raison ! Vous avez un don de Dieu !"
Le capucin est un peu surpris, mais il se dit que Doumé a reçu un coup sur la tête et qu'il n'a peut être pas tout à fait reprit ses esprits.
- "Remets toi mon fils ! Ca va aller, je peux faire quelque chose pour toi ?"
- "Oui mon père, j'ai une question importante à vous poser ."
- "Quelle est ta question ?"
- "Mon père, je voudrais savoir le jour où je vais mourir."
Vous vous rendez compte ? Si on savait le jour où on allait mourir !
Vous croyez que ce serait bien ? On ne ferait plus de projets , on compterai les jours !
Le capucin, a vite compris à qui il avait à faire. Il lui répondit :
- "Tu mourras le jour où ta mule pètera trois fois."
- "Le jour ou ma mule pètera trois fois ! Oh mon dieu !" s'écria Doumé en faisant le signe de croix.
Un peu sonné par cette nouvelle, Doumé décide de remonter au village et car il n'avait plus besoin de couper la branche morte puisqu'elle avait cassée. Il détache sa mule, monte dessus et se met en chemin. C'est que c'est loin le village ! Heureusement avec sa mule ça va plus vite et c'est moins fatigant qu'à pieds.
Mais pendant tout ce temps, la mule... vous savez ce qu'elle a fait ?
Elle mangé de l'herbe, de l'herbe verte et mouillée par la rosée du matin.
Et vous savez ce que ça fait l'herbe verte et mouillée dans le ventre d'une mule ?
Ça fermente ! Ça fait des gaz !
et les gaz, vous savez ce que ça fait ?
Ça fait péter bien sûr !
Et ce qui devait arriver arriva !
Doumé n'avait pas fait plus de cent mètres sur sa mule quand :
PRRRRRROUT !
Un pet ! Un pet sonore retentit ! Je me demande si on ne l'a pas entendu jusqu'au barrage de Codole
- "Aille Aille aille !" s'écrit Doumé.
- "Je suis déjà un tiers mort. Il ne faut plus qu'elle pète. Espèce de sale bourrique, tu vas arrêter de péter sinon tu auras du bâton !"
Il descend de sa mule et décide de marcher à côté d'elle en la tenant par le licol.
Mais l'herbe mouillée elle, et elle ne craignait pas le bâton !
Alors cent mètres plus loin : PRRRRRRRRRRROUT !
Un pet ! Un pet encore plus tonitruant que le premier !
- "Aille Aille aille ! Me voilà deux tiers mort."
Doumé est désespéré, il regarde à droite, il regarde à gauche, soudain sur le bord du chemin il voit, il voit
il voit un gros bout de bois bien rond. Long comme ça !
(montrer avec les deux mains une longueur d'environ 40 cm )
Alors il lui vient une idée !
Et vous savez quoi ?
Oui... il prend le bâton, il soulève la queue de la mule et
(mimer le geste d'enfoncer le bâton dans le derrière de la mule)
- "Ah comme ça tu ne pourra plus péter !"
et il poursuit son chemin en marchant derrière sa mule.
Mais le ventre de la mule .... (mimer le geste d'avoir le ventre qui gonfle)
Qui gonfle, qui gonfle . ET !
ET PRRRRRRRRRRROUT ! Comme un coup de canon !
Le bout de bois est expulsé et vient frapper en plein front le pauvre Doumé qui tombe à la renverse sur le dos, en criant "Cette fois je suis tout à fait mort !"
La mule s'échappe et comme elle connait le chemin elle remonte toute seule au village.
Joséphine, la femme de Doumé voyant la mule revenir seule comprend qu'il est arrivé quelque chose à, son mari. Elle descend en courant le sentier et découvre le corps de son mari les bras en croix au milieu du chemin .
- "Mon mari est mort ! mon mari est mort !" Elle crie en s'arrachant les cheveux.
Les autres paysans qui travaillaient dans les parcelles voisines (et oui à l'époque où se passe cette histoire, il y avait encore beaucoup de monde qui travaillaient aux champs), les autres paysans accourent.
- "Pauvre Doumé ! Il faut le ramener chez lui !"
On coupe deux longues branches, pour faire un brancard de fortune, on installe Doumé dessus et les voilà partis. Deux hommes devant, deux hommes derrière, suivis par la Joséphine en pleurs et par les autres paysans.
Ils arrivent à une bifurcation. A droite le chemin monte raide vers le village, à gauche il serpente à flanc de coteau en pente plus douce. On pose le brancard par terre pour souffler un peu et décider.
- "Moi je prendras à droite, c'est plus court" dit un des hommes.
- "Et moi à gauche c'est moins fatiguant !" dit un autre.
- "A droite je te dis ! A gauche ! A droite ! A gauche !
Le ton monte tout le monde s'en mêle.
Alors le mort se relève et dit :
"Moi quand j'étais vivant, je prenais toujours à droite !"
Et Joséphine s'évanouit !

Daniel Alexandre

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