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La mère de Saint Pierre (en ligne)

Ortoli J.B.

Voici la version d'origine collectée par Jean Baptiste Frédérique Ortoli instituteur, grand collecteur de contes de corse publié à la fin du XIXi-ème siècle, et dont je me suis inspiré pour l'histoire telle que je la raconte.

La mère de saint Pierre avait été si méchante pendant sa vie, que Dieu ne voulut pas la laisser entrer au Paradis après sa mort.
Saint Pierre en fut bien attristé : il ne mangeait plus et maigrissait à vue d’œil.
Le Seigneur s’en aperçut et lui dit : « Pierre, pourquoi donc es-tu si triste ? »
Et Pierre lui répondit : « Seigneur, ne voyez-vous pas tous les supplices que ma mère endure aux enfers ?
— J’en suis bien désolé, mais elle n’a que ce qu’elle mérite. Dis-moi, Pierre, a-t-elle seulement fait une bonne action pendant sa vie ? Cherche, et si tu en trouves une, si petite qu’elle soit, je te promets de la faire entrer au ciel ».
Saint Pierre se mit aussitôt à feuilleter le livre ou était écrite toute la vie de sa mère. Il tourne et retourne les pages, mais pas la moindre bonne action. Enfin, à force de chercher, il réussit à trouver qu’un jour elle avait donné une feuille de poireau à un malheureux qui mourait de faim.
Triomphant, plein de joie, saint Pierre courut vers le Seigneur : « Seigneur, Seigneur, elle a donné une feuille de poireau.
— Eh bien ! ce sera cette feuille de poireau qui la sauvera ».
À l’instant, saint Pierre prit une feuille de poireau qui s’allongea, s’allongea tant et tellement qu’elle arriva jusqu’aux enfers.
La mère du saint s’y suspendit sans perdre de temps. La voyant monter au ciel, un premier damné s’accrocha à elle, un second suivit, puis un troisième, puis un quatrième, etc. La feuille de poireau enlevait tout le monde.
En chemin, la méchante femme s’aperçut qu’on la suivait. Furieuse elle donne de grands coups de pieds.
« Lâchez-moi, ce n’est pas pour vous que mon fils a envoyé cette feuille.
— Laissez-les monter, ma mère, disait saint Pierre ; ne soyez pas si ingrate ».
Mais sa mère n’écoutait rien et continuait à donner de grands coups de pieds afin qu’aucun malheureux ne put se sauver avec elle.
« Eh bien ! Pierre, dit alors le Seigneur, que dis-tu de cela ? »
Pierre baissa tristement la tête ; puis, lâchant la feuille de poireau, il laissa retomber sa mère au fond des enfers.

La mère de Saint Pierre in Les Contes populaires de l'île de Corse, J-B-P. Ortoli, Paris 1883

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