top of page

Un Betshaski

Gougaud H.

Un Betshaski
Un Betchaski arriva un jour dans un pauvre village accroché aux milieu des rochers blancs d'une montagne d'Anatolie. Il s'accroupit pour mendier près du mur à moitié effondré de la mosquée. D'où venait-il ? Nul ne savait.
Dans une maison voisine était un père désespéré. Son enfant, son fils chéri était atteint d'une langueur maladive, de jour en jour il dépérissait. Pas de médecin en ce temps dans ces campagnes délaissées. Les vieilles femmes qui connaissaient les herbes avaient épuisé leurs remèdes en vain. L'Imam ne pouvait plus que recommander au père de prier le Miséricordieux pour qu'il accueille l'âme de son fils.
Quand le père appris l'arrivée du Betchaski au village il fut pris d'un espoir fou. Il l'envoya chercher aussitôt.
- "Vois, lui dit-il, on dit que vous les Betchaski vous savez parler à Dieu et que vous faites parfois des miracles. Sauve la vie de mon garçon et tu auras de moi tout ce qu'un homme peut donner."
- "Une prière suffira, dit le Betchashi, écarte toi."

Il se plante devant la couche où git le petit moribond et dit à haute voix, le visage tourné vers le ciel :
- "Seigneur, je serais bref. Si je Te parle ce n'est pas moi qui l'ai voulu, c'est cet homme. Il est fou. Il voudrait que tu guérisse son garçon qui se meurt. Il s'illusionne je le sais. Qu'as-tu à faire de la peine d'un père ? Tu fais tous les jours cent fois pire dans ta création de malheur. Donc, je ne te demande rien. Tu veux cet enfant ? C'est d'accord, prends le, je te le laisse. Pardon de t'avoir dérangé. Retourne à tes affaires, je m'en reviens aux miennes. Adieu à lui, adieu à toi !"

Le père entendant cela s'écrit :
- "Fils de Satan ! Chacal puant ! Charlatan ! Est ce ainsi qu'on prie pour un mourant !"
A coup de pieds et de poings on le chasse hors de la maison.
Le lendemain matin voila l'enfant guéri. Le père tout joyeux annonce la nouvelle aux femmes et aux hommes sur la place. Il rencontre le Betchaski :

- "Ah te voila ! Maudit ! Heureusement Allah, que son nom soit béni, ne t'a pas entendu. Mon garçon est sauvé".
- "J'ai fait ce qu'il fallait pour ça, répond tranquillement l'autre, en ces temps-ci Dieu et moi on est fâché. Chaque fois que je lui demande quelque chose il fait tout le contraire. Alors je l'ai invité à prendre ton enfant, j'étais ainsi certain qu'il le laisserait vivre. Et ça n'a pas manqué.
Il m'en veut je ne sais pas pourquoi. Mais tout passe et ça lui passera.
En attendant donne moi une de tes chèvres".

D'après H. Gougaud in "L'amour foudre"

bottom of page