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L’histoire du doux chevalier qui faisoit les cons parler.

Gougaud H.

L’histoire du doux chevalier qui faisoit les cons parler.
Fabliau du moyen âge, attribué à Guérin troubadour du XIIIième siècle
librement adapté de Henri Gougaud.
C'est l'histoire d'un chevalier errant qui trainait sa misère de château en château.
Il était certes vigoureux, fringant, beau de figure et poilu du poitrail et il plaisait aux femmes, mais il était raide comme un passe lacet.
Pensez donc, il avait du vendre tout son équipement, même son armure qu'il tenait de son père !
Il avait autrefois guerroyé de-ci, de-là pour trois sous la journée, puis le temps des torgnoles étant passé de mode, notre homme était sans utilité et sa bourse était plate comme un sein de nonne centenaire.
Il ne lui restait rien, ni manteau pour l’hiver, ni bottes de rechange.
Or, un de ces jours-là, il entendit parler d’un tournoi en Touraine, c'était l'occasion de gagner des coupes en argent et accessoirement de trousser quelques filles d’auberges ; bref, il se mit en route avec son écuyer, un drôle au nez pointu et au chapeau bizarre appelé Merleroux.
Le voilà donc un matin chevauchant vers les bords de Loire, Merleroux trottant loin devant sur sa mule rétive et notre chevalier deux cents pas derrière sur son vieux cheval gris vaguement dépressif.
Or comme Merleroux entrait, le nez au vent, dans l’ombre d’un bosquet, il entendit soudain des piaillements de filles, il s’arrêtât, flaira l’ombrage et découvrit, devinez quoi ?
Dans les embruns d’une cascade, trois filles qui se baignaient nues. Elle se roulaient dans l’eau, s’aspergeaient en riant. Sur l’herbe de la berge étaient leurs vêtements, trois robes, trois chefs d’œuvres, tout brodés de fils d'or et d'argent, ornées de perles et de pierreries.
Le Merleroux ouvrit des yeux gros comme des soucoupes et se dit, l’œil luisant :
- Je les prends, je les vends et nous avons de quoi acheter une armure et deux chevaux tous neufs.
Il laissa là sa monture brouter quelques buissons, rampa jusqu’à la rive et sans soucis des filles éperdument braillardes, il rafla son lot de merveilles. Il s’en revint à sa mule et repris son chemin tout heureux de sa rapine.
Au même instant, son maître à l’autre bout du bois, entrait dans l’ombre des feuillages. Il entendit crier, appeler au secours et, c’est un chevalier, un vrai quoi,
Que voulez vous qu'il fit ? Il vint à leur rescousse.
Une main sur les seins, l’autre sous le nombril, les dépouillées en pleurs lui contèrent à grand bruit la razzia du brigand.
Il flaira aussitôt un forfait de son Merleroux.
- Attendez, leur dit-il je reviens ! L’œil viril, en faisant se cabrer son cheval indécent. Vous voyez la scène, tel Ivanhoé dans la forêt bretonne.
Il rejoignit son écuyer et lui arracha son lot de fringues :
- Espèce de naufrageur, on ne dépouille pas ainsi des filles à la baignade !
- Vous êtes fou ! Lui dit le Merleroux. Savez-vous bien le prix de ces jolis chiffons. Nous n'avons pas un sol en poche même pas de quoi nous payer une soupe !
L’autre ne voulut rien entendre, il jeta sur l’épaule le lot de robes brodées et s’en revint à la cascade.
Les filles l’accueillirent comme un héros vainqueur.
La première, était blonde elle baisa sa bouche :
- Nous sommes des fées lui dit –elle. Oui, les fées de ce bois et pour ta récompense accepte ce cadeau qu’il me plait de te faire. Où que tu ailles ami, tu seras bien reçu. Ton charme t’ouvrira les portes les mieux closes.
La deuxième était rousse baisa sa joue :
- A mon tour chevalier de te faire un cadeau. Quand tu voudras savoir ce qu’une femme cache aux hommes d’ordinaire tu le demanderas à la bouche frisée qu’elle tient entre ses cuisses et cette bouche là, qui ne saurait mentir, te dira sans tarder ce que tu veux savoir.
La troisième était brune baisa sa main :
- Je ne saurais être de reste, et voici mon présent. Il pourrait se trouver dit-elle que le con de madame ait un empêchement, s’il se trouve muet, son cul te parlera. Va bel homme et que Dieu te garde.
Discours peu catholiques, il faut en convenir, le sauveur de ses dames bafouilla quelques remerciements et repris son chemin derrière Merleroux qui allait par devant, l’œil noir, grommelant son dépit.
Ils allèrent ainsi tout le jour. Le soir, ils arrivèrent sous les murs d’un château.
Ils mirent pieds à terre, frappèrent à la lourde porte cloutée. Qui leur ouvrit à deux battants ? Je vous le donne en mille. Le châtelain lui-même avec sa maisonnée, sa femme, ses enfants, ses garants, ses domestiques aussi, débordants de bénédictions.
Il y avait des lustres qu’on ne lui avait fait pareil honneur. Le chevalier se souvint alors des promesses de la blonde baigneuse « Où que tu ailles ami, tu seras bien reçu ». Il se dit : « Mais alors ces filles étaient vraiment des fées ! Moi qui croyait qu’elles me jouaient quelques tours de femme malignes. »
Il fut, avec son Merleroux, mené jusqu’à la salle haute. Lourdes tentures, grande cheminée. On leur lava les pieds, on dressa belle table, on leur servit du vin.
Or donc, tandis que le seigneur du lieu montrait à notre chevalier sa tour et ses créneaux, la Dame du château fit préparer des chambres, allumer les feux et dresser les tentures.
Puis elle prit à part sa suivante et lui dit à l’oreille :
Honore cette nuit notre bel invité, je veux qu’il soit ici comme dans sa maison. Couche toi près de lui et contente le bien.
La fille frétillante alla se faire belle.
Le soir à la minuit, en entrant dans sa chambre, que vit au pied du lit le chevalier fourbu ? La fille, droite et nue.
- Mais qu’est-ce que tu fais là ? Lui dit-il. On t'a volé ta robe ? Tout prêt qu’il était à aller la chercher
et renouveler sitôt l ’exploit de l’après-midi.
La fille répondit en tortillant ses doigts derrière ses hanches : Seigneur, c'est que vous me plaisez.
C’était simple, direct, trop simple se dit-il . Il soupesa les seins, puisqu’on les lui tendait, agaça le nombril
et, tentant un doigt dans la fente frisée « Doux con » dit-il enfin, «que viens-tu faire ici ? ».
Alors, de la bouche d’en bas, monta une voix claire,
- La Dame du château veut que je vous honore ou du moins que j’essaie. Je suis ici en service commandé.
Pour la fille ce fut un choc, mettez-vous à sa place. Jamais elle n'eut pu croire que son con puisse parler. Elle ramassa sa chemise et s’en fut, de la chambre les mains en avant, comme si cent démons lui chatouillaient les fesses. Un long cri d’épouvante envahit le couloir, la Dame du château bondit hors de sa chambre juste au moment où l’affolée lui venait droit sur la chandelle.
- Oh Madame ! Oh si vous saviez !
Elle lui contât l’évènement, sa maitresse écouta la mâchoire pendante :
- Non ! dit-elle.
- Mais Oui ! dit l’autre.
- Mais c’est dément ! Tu me mens pour échapper à tes devoirs !
Bref, elles s’en furent toutes deux tremblantes, finir la nuit sur le même oreiller.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, tout le monde était là, le châtelain, sa femme, sa suivante, et tous ses affidés, le chevalier aussi avec son Merleroux. Comme on servait le lait avec les tartelettes, la Dame du château, s’excusa un instant, trotta jusqu’à sa chambre, se bourra de coton la fente frisotée et s’en revint à la tablée.
- Mes amis dit-elle, il parait que notre chevalier fait parler quand il veut l’entre-jambe des dames.
J’aimerais qu’il le prouve ici et maintenant.
- Madame, je n’oserais.
- Osez donc.
- Madame, cela signifie-t-il que vous me permettez de m’adresser au votre ?
- S’il dit le moindre mot, lui dit la châtelaine, s’il dit le moindre mot, je vous ferais sur le champ compter cinquante pièces d’or.
- Et s’il reste muet ? S’enquit le chevalier.
- Vous quitterez ces lieux sans bottes ni cheval. Répondit la Dame, soulevant le bas de sa robe brodée.
S’agenouillant comme pour être adoubé, le chevalier dit d’une voix douce :
- Beau, doux con désirable, à toi de décider. Serais-je riche ou serais-je ruiné ?
L’interpellé laissa aller un borborygme lamentable, un vague soupir , rien de plus.
Contournant l'obstacle, le chevalier repris sans s’émouvoir du tout :
- Oh merveille de cul dis-moi, quel contre temps empêche ton voisin de prendre la parole ?
Alors là, la voix venue d’en bas parut à tous teintée de musique occitane.
- Et con, elle l’a bourrée d’un paquet de coton, il a perdu la voix il ne peut te répondre. Mais si tu t’adresses à moi je te dirais le vrai.
On s’exclama, on s’ébahit, on regarda sous les fauteuils, on se consultât l’entre jambe. La Dame rougissante avoua la tricherie. Cinquante pièces d’or passèrent de sa cassette aux mains de Merleroux trop heureux de passer le chapeau après la représentation.
Son maître désormais vécu tranquillement, renouvelant l’exploit quand il le fallait, de châteaux en châteaux, révélant maints secrets que les femmes cachaient.
Jusqu'au jour où, à sa grande surprise, le con interrogé lui répondit ceci :
-Fi donc ! Crois tu que nous nous contentions de quelques bavardages ?
et son proche compagnon de surenchérir :
- De choses plus concrètes nous sommes intéressés.
A quoi bon se hâter quand tout vous vient de face :Amis, femmes, fortune, indulgence du ciel ?
Au soir de son grand âge, il interrogea Dieu. Il demanda :
- Est-ce tout ?
Dieu lui répondit
-Oui
Il murmura "Merci" et mourut à l'instant.
Homme, femmes et fées déshabillées ou non, ici rassemblées nous vous le disons aussi. "Merci"

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